L’Aurore (Sunrise: A Song of Two Humans) 1927

lauroremurnau
Un pêcheur s’éprend d’une citadine aux allures de vamp. Sous l’influence de celle-ci, il décide de noyer son épouse, mais change d’avis une fois sur la barque. Effrayée, la femme fuit en ville. Elle est bientôt rejointe par son mari, désireux de se faire pardonner.

L’Amour
4-50
Autant dire que pour un Schwarzeneggérien élevé aux petits Van Damme, L’Aurore n’est pas le choix le plus évident venant à l’esprit. Il est bon pourtant de se faire violence, de dépasser les préjugés et les réticences des premières secondes pour sciemment se perdre dans un cinéma autre afin d’y puiser tout ce qu’il peut offrir d’expériences nouvelles. Et l’Aurore a beaucoup à offrir derrière son voile suranné.

Pour autant, je ne suis pas franchement convaincu par les passages barbe / cochon / bretelles, aka toilette / frivolité / danse, voulus joyeux chaos de la ville, qui par leurs touches de légèreté et d’humour taquin m’ont un peu fait perdre le fil de l’émotion. Le reste est une merveille d’amour sur pellicule. Le couple est magnifique. L’homme plus encore dégage une puissance émotionnelle de tous les instants, bien au delà de sa gestuelle à priori un poil agressive. La musique lancinante et mélancolique très loin de mes canons est absolument somptueuse et colle terriblement bien à l’image, à l’ambiance, et constitue une part importante de l’émotion générale. La mise en scène semble la plupart du temps tout droit sortie d’un rêve éthéré et insaisissable. Certains plans, beaucoup même, sont d’une audace et d’une modernité affolantes. Quand ce n’est pas la fureur des éléments, la brume, la pluie, les éclairs ou le vent qui envahissent la pellicule de leur étrange beauté fantastique transmise avec des moyens pourtant drastiques, des cadrages flottants et des compositions de plans bluffant de modernité viennent parachever le travail. Par exemple, le plan déséquilibré de la table à manger avec la lampe au premier plan envahissant une bonne moitié du cadre m’a fait un effet bœuf, tout insignifiant soit-il. Le passage en tram, délicieux tour de manège, le départ du train au début (une maquette sur fond de vraie gare avec perspective forcée), le couple qui marche enlacé, invulnérable au flux des voitures, et s’échoue en belle rase campagne par un fondu irréel, les anges, les surimpressions de la tentatrice citadine sur l’image de l’homme tourmenté, le gros plan de la grand-mère en larmes… ça n’arrête pas. Un véritable festival pour les yeux et une ambiance d’amour ouatée énorme qui passe avec brio au dessus du côté gnangnan. Comme tous les films muets de cet âge, c’est aussi une belle opportunité de découvrir un monde passé dans toute son authenticité.

Si le cinéma de Murnau semble logiquement lointain, exotique pour ainsi dire, et ne conte souvent qu’une histoire toute simple, L’aurore narre pourtant la beauté de l’amour dans ce qu’il a de plus pur. L’aurore, c’est de l’amour.

ps : je pense malgré tout que La foule ou L’heure suprême ou Lucky Star ont un impact plus fort encore.


http://www.senscritique.com/film/l-aurore/6771229522158914/critique/drelium/

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